Le bilan

Le bilan orthophonique va permettre d'évaluer les potentialités et les lacunes de l'enfant, dans les domaines de la communication, du langage oral, du langage écrit... La déficience visuelle a elle seule n'est pas un motif de prise en charge orthophonique. Ce sont les troubles engendrés (ou présents sans rapport avec la déficience) qui vont justifier cette prise en charge. Voici quelques éléments à avoir en tête lors de la rencontre avec un enfant malvoyant ou aveugle.



L'anamnèse

L'anamnèse se conduira de la même manière qu'une anamnèse « classique ». Toutefois, certains éléments sont à explorer, car ils guideront à la fois les épreuves proposées au bilan et les modalités de prise en charge ultérieure.

Avant la rencontre avec la famille, contacter l'orthoptiste ou le centre qui accueille l'enfant le cas échant peut fournir de précieuses informations préalables qui serviront à guider l'entretien avec les parents.

Par ailleurs, lors du premier rendez-vous, l'orthophoniste veillera à obtenir le plus d'informations possible concernant :


  • La présence de potentiel visuel ou l'absence de vision. En effet, la déficience visuelle se conjugue de multiples façons. Il est possible que l'enfant perçoive visuellement des éléments de l'environnement, ou alors qu'il lui soit impossible de distinguer ne serait-ce qu'une perception lumineuse.

Si l'enfant est malvoyant, quelles sont les atteintes visuelles ? En effet, plusieurs composantes peuvent être altérées :

  • l'acuité visuelle : est-elle intègre ? Chutée ?
  • le champ visuel : l'enfant présente-t-il une altération de ce champ ? Est-ce une atteinte au niveau périphérique, central ? Ou alors la présence de scotomes vient-elle gêner la perception ?
  • La perception des couleurs : l'enfant présente-t-il des difficultés dans la perception de certaines gammes chromatiques ?
  • La sensibilité à la lumière : y a-t-il une gêne en présence d'une source lumineuse ? Si tel est le cas, le port de lunettes teintées est-il indiqué ?
  • La présence d'un nystagmus vient-elle compléter le tableau clinique ? Si oui, existe-t-il une position de blocage travaillée avec l'orthoptiste ?
  • L'oralité alimentaire : de nombreux enfants déficients visuels présentent des troubles de l'alimentation.
  • La présence de blindismes : le plus souvent, ceux-ci s'expriment par des balancements des membres ou du tronc, des positions des mains ou des doigts dans les yeux, pouvant faire penser à des troubles du spectre autistique. (voir "Conséquences sur le développement" pour plus de détails)
  • Dans le cas où l'enfant est entré dans l'écrit : Quelle est la modalité utilisée ? Braille, ou écriture en noir ? Y a-t-il utilisation de l'ordinateur en classe, à la maison pour la prise de notes ?

Si l'écriture en noir est utilisée, quelle est la taille et la police de texte recommandées par l'orthoptiste ? Y a-t-il des recommandations quant à l'outil scripteur utilisé (type d'encre, couleur ?)

  • Les compensations techniques utilisées : loupe, téléagrandisseur, planche braille, machine perkins pour écrire, etc...

Ces éléments seront précieux pour adapter à la fois le bilan proposé et les séances de rééducation, au plus proche des potentialités visuelles de l'enfant.


Les épreuves


Il n'existe malheureusement à notre connaissance aucun bilan disponible dans le commerce adapté et étalonné sur une population d'enfants déficients visuels, probablement en raison des disparités importantes interindividuelles, et de la fréquente présence de troubles associés.

Néanmoins, deux mémoires de fin d'étude en orthophonie ont permis la mise au point d'outils d'évaluation. En voici les références :

Par ailleurs, dans son mémoire La communication de jeunes enfants aveugles (Capucine Glorieux ; sous la direction de Jean-Pierre Leloup), l'auteure a mis au point une grille d'observation de la communication de jeunes enfants aveugles de 0 à 6 ans, qui nous paraît être un élément pertinent pour appréhender les canaux communicatifs de l'enfant. Plusieurs domaines sont explorés : les productions vocales diverses, le langage oral, les expressions faciales, le langage du corps, l'attitude,l'exploration et l'écoute.

Afin de mener une analyse des différentes compétences de l'enfant, l'orthophoniste devra s'adapter en proposant par exemple l'utilisation et l'adaptation de bilans existants couplées à des exercices d'observation plus qualitative qui l'aideront à déterminer un profil langagier et communicatif de l'enfant. Les tests ne permettront pas de comparer les résultats à une population malvoyante ou aveugle, mais permettront de définir les points forts et les lacunes de l'enfant, et de comparer l'évolution de manière intra-individuelle.

Nous avons tenté de regrouper à la fois des épreuves de bilan étalonnées et des exemples d'observations qualitatives pour permettre une analyse globales des capacités de l'enfant : Voici donc quelques pistes de réflexion...

  • Afin d'observer la communication du jeune enfant : Dialogoris 0-4 ans propose une ligne conductrice de l'observation des compétences-socles, de la communication verbale et non verbale, des capacités cognitives et motrices, du comportement de l'enfant, et du langage. Certaines épreuves font appel à une perception visuelle, toutefois d'autres sont exploitables pour l'observation de l'enfant déficient visuel. Il peut être complété par la grille de Capucine Glorieux.
  • Pour évaluer le langage de l'enfant plus âgé présentant des restes visuels, les épreuves de lexique en réception et en production de l'ELO peuvent être reprises en adaptant les images (voir notre rubrique « Adaptations environnementales et matérielles). Par ailleurs, les épreuves de l'EVALO « lexique en réseau » et « lexique induit » constituent également de bons supports. L'analyse via une dénomination de bruits du quotidien donnera une première vision qualitative des compétences de l'enfant si aucune exploration n'est possible. Une exploration du lexique de manière tactile avec des objets concrets peut également être envisagée.
  • La compréhension morphosyntaxique peut être évaluée en passant par la manipulation sur consigne de l'adulte, avec par exemple l'EVALO qui nécessitera toutefois l'adaptation des objets proposés, afin que ceux-ci puissent être plus facilement discriminables (tactilement et visuellement) par l'enfant.
  • La production syntaxique peut être observée de manière qualitative en situation de jeu. La production d'énoncés de l'ELO ou d'EVALO en version adaptée (soit via l'oral, soit en améliorant les images) peut venir préciser l'analyse.
  • Du côté du langage écrit, la conscience phonologique et la transcription phonème-graphème ne demandent pas d'adaptations particulières (hormis si passage en braille).

    En l'absence d'outil spécifique, la BELO nous paraît actuellement le test le plus adapté visuellement pour évaluer l'entrée dans la lecture des CP-CE1. Cependant, nous remarquons que pour une lisibilité optimale, il serait intéressant d'organiser de manière ordonnée les éléments de l'épreuve de lecture de graphèmes et de syllabes afin que l'enfant ne se perde pas dans la feuille. De plus, dans le cas d'un enfant avec une vision tubulaire, il serait judicieux de vérifier que les graphèmes complexes et les syllabes ne soient pas trop agrandis afin qu'ils puissent rester dans le champ visuel. Les mêmes vérifications sont à effectuer sur la lecture de mots et de texte.

Les épreuves visant à évaluer l'orthographe lexicale et grammaticale en production ne poseront normalement pas de problème d'adaptation. Elles pourront être réalisées en Braille si l'enfant évolue dans cette modalité.

Pour les plus grands, les autres tests de lecture peuvent être adaptés visuellement selon les beosin de l'enfant (voir "adaptations matérielles"). Attention toutefois aux épreuves visuelles, qui, même si elles peuvent donner un aperçu au niveau fonctionnel de la déficience visuelle, ne nous paraissent pas toujours pertinentes à explorer en raison de la mise en difficulté et du sentiment d'échec qu'elles peuvent engendrer.

  • L'analyse de la mémoire auditive peut se faire selon les mêmes modalités que l'enfant voyant. Il peut toutefois être intéressant de compléter l'observation des capacités mnésiques sur un versant tactile, via un loto qui utiliserait ce sens par exemple.
  • Au niveau attentionnel, le versant auditif peut également être explorés sans précaution particulière

Ces indications ne sont que des pistes de réflexion. Elles sont évidemment à adapter en fonction de l'enfant, de ses capacités visuelles, et peuvent être complétées par d'autres épreuves.

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