Le langage écrit
La prise en charge du langage écrit va nécessiter l'adaptation du plan de travail (plan incliné éventuellement), de l'éclairage, de la taille et de la police des caractères, et du stylo à utiliser. Celui-ci doit être de préférence à écriture gel, avec une encre noir suffisamment contrastée pour que l'enfant puisse discriminer au mieux ce qu'il a écrit. Par ailleurs, le crayon à papier n'est que peu lisible car peu contrasté sur une feuille blanche.
Le bain de lecture
Les enfants malvoyants, et d'autant plus les enfants aveugles, sont moins soumis à l'exposition d'écrits comme nous pouvons l'être en regardant, même de manière passive, les panneaux, les publicités, les objets du quotidien...Les parents ne pensent pas toujours, lors de lecture d'histoire, à attirer le regard de l'enfant sur ce qui est écrit, jugeant que cela ne sert pas forcément à grand-chose comme « il n'y voit pas » De ce fait, la culture de l'écrit est moins présente. Pourtant, il s'avère primordial de stimuler l'enfant, de susciter son envie et sa motivation pour la lecture en le stimulant avec des livres, soit en caractères agrandis, avec des reliefs, soit en braille. Il se familiarisera alors de manière ludique avec ce moyen de communication, développement ainsi son appétence pour l'écrit. Ce travail est à engager conjointement avec les parents.
Les stratégies de lecture en noir
L'altération de la vision peut entraîner des problèmes de repérage dans un document. Ainsi, les changements de ligne ou l'exploration complète de cette dernière sont parfois source d'erreurs altérant la compréhension, l'enfant ne percevant pas la totalité du texte. L'orthoptiste est alors à-même de proposer des stratégies compensatoires en fonction des difficultés de l'enfant, que l'orthophoniste doit encourager afin que la lecture soit facilitée.
Selon la perception visuelle, diverses stratégies de lecture peuvent être mises en place, recommandées par l'orthoptiste de l'enfant :
- Garder un doigt au niveau du début de la ligne pour commencer à lire, afin que cela serve de repère. Ainsi, quand l'enfant aura fini de lire cette ligne, il lui suffira de glisser ce doigt vers le bas pour marquer le début de la ligne suivante et reprendre au bon endroit sa lecture. Ce repère se révèle utile également en cas d'altération du champ visuel gauche : le lecteur devra alors orienter son regard jusqu'à apercevoir son doigt afin d'être sûr de commencer la ligne à son début. Cette stratégie peut être mise en place, cette fois en bout de ligne, dans le cas d'une altération du champ visuel droit.
- La poursuite de la ligne avec un guide (doigt, règle, cache) afin que le regard ne se perde pas dans les lignes alentours.
- Dans le cas de la présence de nystagmus, une situation de blocage ou de pseudo-blocage (limitant le tremblement) est recherchée. Elle nécessitera un positionnement spécifique de la tête par rapport à la feuille afin de stabiliser le regard.
Le lexique orthographique
Les enfants déficients visuels ont souvent un stock orthographique plus faible que celui attendu pour leur âge. Ce versant est donc régulièrement sujet à une prise en charge en orthophonie. Afin de travailler l'orthographe, les stratégies employées avec des enfants tout-venants seront les mêmes, avec quelques adaptations :
Pour l'orthographe lexicale : passer le plus possible par le canal auditif en verbalisant au maximum, notamment pour l'épellation, qui pourra être faite à l'endroit et à l'envers pour faciliter l'encodage et la mémorisation de l'ordre de la séquence de lettres. La mémoire auditive et la conscience phonologiques sont donc à développer parallèlement. Ne pas faire recopier l'enfant : en effet, le graphisme étant souvent altéré, la relecture se trouve compliquée ce qui peut engendrer un mauvais encodage.
La syntaxe
Dans un texte, les éléments syntaxiques nécessitent une finesse dans l'analyse visuelle. Pour mettre l'accent sur ces éléments, l'orthophoniste peut les mettre en évidence de manière tactile et contrastée, en utilisant par exemple des gommettes de couleur vive, qui créeront un relief et seront visuellement plus repérables. La matérialisation par des objets en 3D peut, comme avec les enfants normo-voyants, être facilitatrice.
Le graphisme
En raison des contractures du bras et de la main induite par une mauvaise posture, l'écriture de l'enfant déficient visuel se retrouve souvent altérée. Elle est ralentie, difficilement lisible, et des lettres mal formées induisent des erreurs lors de la relecture. Un travail mené conjointement avec l'ergothérapeute est alors profitable afin d'améliorer le graphisme.
L'orthophoniste doit veiller au bon positionnement de l'enfant lors de l'activité d'écriture, notamment en adaptant le poste de travail ou le support du document (voir adaptations matérielles).
Des exercices de coordination visuo-motrice peuvent être proposés, comme des labyrinthes, relier des chiffres, repasser sur des tracés (d'abord avec le doigt puis avec l'outil scripteur)
Le recours à l'ordinateur se révèle salvateur pour de nombreux enfants. Celui-ci nécessite toutefois un apprentissage préalable de la dactylographie. Une fois l'usage du clavier maîtrisé, la surcharge cognitive engendrée par le contrôle visuel et moteur de l'écriture se retrouve amoindrie. De plus, le support informatique facilite l'adaptation de l'outil en fonction des besoins et de l'état de l'enfant : l'agrandissement est facilement modulable, et l'adaptation visuelle de la « feuille » est possible, permettant par exemple l'inversion des couleurs (texte blanc sur fond noir), moins fatigant pour l'œil. Utilisé en classe, il facilite la production écrite de l'enfant, lui permettant de dédier ces ressources cognitives à l'activité.
Pour le travail en braille :
Si l'apprentissage du braille n'est pas réalisé par l'orthophoniste, il peut être amené dans le cas d'une prise en charge pluridisciplinaire à rencontrer des enfants en phase d'acquisition ou le pratiquant. Le braille présente des particularités dans son apprentissage et sa lecture, qui sont décrites dans notre section « Conséquences de la déficience visuelle ». L'orthophoniste, de par son rôle d'accompagnant dans le langage écrit, a alors toute sa place pour guider l'enfant en difficultés dans l'acquisition du braille.
Avant d'aborder le braille en lui-même, quelques « pré-requis » sont indispensables à étayer chez les futurs apprenants:
- La conscience phonologique, la voie d'assemblage étant la seule sur laquelle l'enfant peut s'appuyer pour lire.
- La discrimination fine tactile, car certains caractères du braille ne se distinguent que d'un point.
- La mémoire auditive et tactile, car elle permet la rétention des mots présentés à l'oral, et la perception de la suite de caractères braille.
Ces capacités sont à développer le plus tôt possible, afin de faciliter l'accès à la modalité écrite.
Parallèlement, D. Wittman (2003) propose, dans son mémoire de fin d'étude d'orthophonie, la progression suivante pour accompagner l'entrée dans l'apprentissage de cette modalité écrite :
- Chez le jeune apprenant, encourager un travail sur la latéralisation
- Encourager la reconnaissance et la discrimination de formes, textures différentes dans l'espace environnant. Puis l'orthophoniste pourra orienter cette différenciation avec des formes semblables, mais ayant une orientation différentes dans l'espace.
- Une fois ces aspects maîtrisés, il est possible de passer sur un support papier, en discriminant et différenciant des formes continues saillantes (via leur forme, leur orientation) puis plus tard sur des formes non continues punctiformes. L'utilisation d'un papier épais, ou de feuilles Dycem permettant la mise en relief de ce qui est tracé peut servir d'appui lors de cette étape.
- Ensuite, le travail s'oriente sur des unités lexicales de façon plus classique : graphies isolées, en partant des graphies simples, puis en introduisant peu à peu des graphies plus complexes. L'avancée se fera avec la mise en place de la voie d'assemblage, d'abord avec des syllabes, suivi de mots courts simples.
- Enfin, l'orthophoniste essaiera de favoriser l'automatisation de la reconnaissance de certains mots outils. Parallèlement, la morphologie est une approche incontournable afin d'optimiser la fluidité et la rapidité de la lecture (suffixes, préfixes, désinences...)
En amont, en raison d'une faiblesse initiale du stock lexical orthographique, l'orthographe lexicale est à développer de manière soutenue, en passant notamment par l'oral pour faire jouer la mémoire auditive.
L'orthographe grammaticale pourra quant à elle être travaillée en matérialisation la nature des mots de la phrase de manière tactile, afin que l'enfant puisse se repérer dans l'énoncé.
Par ailleurs, tout comme la lecture en noir, le braille induit une séquentialité des éléments, qui peut parfois être déficitaire. Dans ce cas, il est possible de la travailler, en proposant par exemple de reproduire une séquence d'éléments tactiles, comme des petites carrés de textures différentes